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Channel: la traversée de la passion (roman)
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011 - Déboires estudiantins

 Au mois de novembre, l'année universitaire  commençait et ce que Jean-Marc appelait encore, par analogie avec la vie scolaire, 1er trimestre fut pour lui un véritable enfer...
 Il disposait de peu de moyens financiers. Le montant des bourses qui lui avaient été attribuées était très faible et le premier versement ne serait pas effectué avant plusieurs mois.
  Il fallait d'abord se loger et dans cette grande ville ce n'était pas une mince affaire... Avec un vague
copain de lycée ils prirent une chambre à deux lits chez une dame âgée, pas particulièrement aimable... Le logement était fort éloigné de la faculté des Sciences et il n'y avait pas de ligne d'autobus directe pour s'y rendre. Seul avantage, le loyer restait modeste...
 Jean-Marc qui avait dû supporter la promiscuité dans la maison familiale trouva très pénible la présence permanente de gens qu'il n'appréciait guère... Dés le début il s'entendit assez mal avec son compagnon de chambre et ses relations avec la propriétaire se dégradèrent rapidement.
 Le plus dur fut le manque d'argent. L'essentiel de ce qu'il avait passait dans le loyer et les repas. Ces repas pris au restaurant universitaire n'étaient pas chers mais il  fallait traverser la ville et  on ne pouvait envisager d'y aller à pied. A l'époque, Jean-Marc fumait déjà beaucoup. Il sacrifia un peu d'argent pour acheter une pipe afin d'utiliser les mégots des cigarettes qu'il pouvait s'offrir de temps en temps (souvent en sautant un repas). Ce résidu de tabac dans la pipe avait un goût abject...
 Ses études ne se présentaient guère mieux. Les horaires lui paraissaient démentiels : des cours très tôt le matin (et on devait arriver en avance pour avoir un bonne place dans l'amphi), des Travaux Pratiques très tard le soir, jusqu'à minuit parfois.
 Jean-Marc n'avait jamais aimé l'exercice physique et ces longues marches le fatiguaient beaucoup. De plus la nourriture du "Restau U.", si elle était bon marché, n'était ni copieuse ni très équilibrée... Jean-Marc avait l'impression de ne pas être en bonne santé. Ses parents ne pouvaient lui être d'aucun secours, ni matériellement ni moralement... Il aurait eu besoin d'encouragements et sa mère était si loin... Il n'avait aucune honte à le reconnaître mais il n'y avait personne à qui confier son désarroi...
 Bientôt le travail à la faculté le rebuta. Il eut la certitude que ses connaissances de base dans certaines matières étaient nettement insuffisantes (en maths et physique surtout), il s'était engagé un peu à la légère...
  Quand arrivèrent les vacances de Noël il était très abattu... Il regagna le sud Aveyron en espérant retrouver des forces auprès de sa famille et de ses amis....

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012 -  premier engagement

Engagement léger, très léger...

   Dès la reprise des cours, les étudiants de divers mouvements politiques et syndicaux se tenaient à l'entrée des amphis et distribuaient les journaux de leurs associations.
   Jean-Marc n'était guère intéressé par l'activité syndicale, il y voyait en quelque sorte une version
amoindrie, un ersatz de la politique, mais qui menait à quoi... mystère... Si, en effet, on parlait
parfois politique autour de la table familiale, à l'occasion des élections principalement, il n'était jamais question de syndicalisme sinon pour exprimer de façon véhémente le rejet de toute forme de grève... Son père était fermement opposé à toutes ces notions, pour lui, C.G.T. = Parti Communiste = négation de toute valeur était un principe intangible... Il n'était absolument pas question d'accorder une once de crédibilité aux organisations qui s'en réclamaient. En ce qui concerne les syndicats, Jean-Marc était un peu dans le même état d'esprit, il n'en voyait simplement pas l'utilité et comme il n'aimait pas les demi-mesures, autant aller vers ceux qui affirmaient clairement leur but...
   Les étudiants communistes vendaient la revue mensuelle de leur Union (U.E.C.) : "Clartés". Jean-Marc l'acheta, il y trouva des articles intéressants, des renseignements précieux sur la vie
estudiantine et un bulletin d'adhésion qu'il remplit et renvoya à une adresse parisienne.   Peu de temps après, à sa grande surprise, il reçut un courrier lui demandant de prendre contact avec un  certain Vincent A. et le convoquant à une première réunion la semaine suivante... L'adresse indiquait une salle proche de la fac.
   Jean-Marc était au pied du mur ! Il avait apparemment obtenu satisfaction mais ce qui jusqu'à présent, dans son esprit, ressemblait à un jeu devenait réalité et il allait falloir se décider...

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013 - Déception

 Jean-marc se décida enfin et se rendit à la réunion... Il s'attendait à trouver beaucoup de monde dans une grande salle mais arrivé devant la porte, il vit, affiché sur un panneau, un avertissement indiquant que la réunion avait lieu au domicile de Vincent, dans la même rue. Il se rendit donc à l'adresse mentionnée et, surprise, il n'y avait que sept ou huit jeunes (Vincent et celle qu'il présenta comme sa femme Odile, nettement plus âgés) assis autour de la table familiale et l'hôtesse assurant le service... café, jus de fruits... Ambiance sympathique, des gens apparemment sympathiques mais le tout loin, très loin de ce que Jean-Marc attendait de sa première réunion politique.  Il y avait là, il l'apprit rapidement au cours de brèves présentations, une majorité de futurs enseignants, des étudiants venus des diverses facultés (sauf de la fac de droit...) et aucun débutant... Vincent exerçait déjà comme maître auxiliaire. Le jeune homme eut l'impression que tous les présents se connaissaient  depuis pas mal de temps...
 La discussion porta sur l'organisation interne, le recrutement d'adhérents, la vente des journaux, les relations avec le PC. Le plus important était de "militer", pour qui, pourquoi, comment ? Jean-Marc
aurait eu besoin de beaucoup de précisions...
 Il y eut distribution de responsabilités et notre néophyte, abasourdi, se vit attribuer "les relations avec le journal l'Humanité" ! Il n'en demandait certes
pas autant...
 Très timidement, il essaya bien de poser une question sur le "problème algérien" mais elle n'eut guère d'écho. Il avait vraiment l'air d'être à côté de la plaque... On lui donna une carte, un timbre à coller à l'emplacement prévu et pour lequel il fallut sacrifier quelque monnaie. Une nouvelle réunion fut
prévue mais l'esprit de Jean-Marc vagabondait ailleurs...
 La déception était grande. Il se trouvait aussi peu avancé qu'avant cette "cérémonie". Il était
convaincu, en effet, qu'il avait participé à un rituel entre initiés et qu'il ne serait admis que s'il pouvait se montrer capable de "militer"...
 Il croyait entrevoir, tout de même un aspect positif : sa démarche lui donnait la possibilité d'établir des contacts personnels avec certains des participants qui lui avaient laissé leurs oordonnées.Vincent s'était montré cordial, prêt à rendre service.
 Mais le compte n'y était pas vraiment, le coeur non plus...

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    014 - Ecole buissonnière,
 
 Les vacances de Noël dans l'Aveyron, en famille et avec les amis,  furent déterminantes pour Jean-Marc...
 Il en avait vraiment trop "bavé", les semaines précédentes. Il décida de profiter à fond de ce confort relatif enfin retrouvé, de l'ambiance chaleureuse...et de "faire la fête". Il avait un peu d'argent puisqu'une partie des bourses lui avait été versée. Dans ce qu'il faut bien appeler son égoïsme, il ne pensa guère au mal que se donnaient ses parents pour lui permettre de vivoter  à Toulouse... Jean-Marc savait bien qu'ils ne pouvaient  faire plus,  il préférait l'oublier et dépenser pour s'amuser..
 Les vacances furent consacrées à des repas, des réveillons, des bals. Il était allé chez un  de  ses amis, coiffeur qui, à sa demande, lui avait coupé les cheveux très courts. Il avait sacrifié un début de collier de barbe, il s'était acheté un costume et de belles chaussures. Jean-Marc était satisfait, il avait fière allure, il eut quelques aventures amoureuses...
 Mais le répit fut bref, il fallut revenir à Toulouse. Il fallait retourner à la fac... Il s'y essaya pendant une ou deux semaines mais il avait perdu toute envie de persévérer et de revivre les jours pénibles du premier trimestre..
  Il allait toujours au restaurant universitaire mais ce qu'on lui donnait le dégoûtait de plus en plus. Après ces mauvais repas,  il prit l'habitude, au lieu de  regagner le quartier de la fac de sciences, d'aller dans un café de la place du Capitole, qu'on lui avait indiqué comme étant "de gauche"... Le fait de se rendre en ce lieu et l'achat occasionnel du quotidien du PC constitua  à peu près toute son activité politique en ce début d'année...
 Il espérait plus ou moins rencontrer des gens ayant participé à la réunion de l'UEC, mais surtout  "se faire des copains" afin de sortir... L'occasion se présenta assez vite. Des jeunes habitués l'invitèrent un jour à "faire le quatrième" dans une partie de cartes. Cela se renouvela...
 Un soir, il vit arriver un de ses partenaires vêtu de façon très élégante, puis des filles, d'autres gars... Quelqu'un dit à Jean-Marc qu'ils étaient conviés à une surprise-partie (on commençait à peine à parler de "surboum") chez un étudiant en Architecture... Un peu jaloux, le jeune homme contemplait ces joyeuses rencontres. Tous se préparaient à partir vers le lieu des festivités quand un des invités vint lui dire qu'il manquait des gars et que Jean-Marc pouvait se joindre à eux. Peu d'hésitation, il accepta et participa immédiatement à une traversée du centre de Toulouse fort animée et fort bruyante. La soirée elle-même fut très réussie... Jean-Marc y rencontra des gens intéressants et eut quelques succès auprès des jeunes filles.
 Il avait gagné...
 Des rendez-vous furent pris, une autre vie commença. Ses nouvelles relations étaient pour la plupart des étudiants de la fac de lettres et Jean-marc fut stupéfait quand il apprit le petit nombre d'heures de cours hebdomadaires en "propédeutique" littéraire... alors que lui, en sciences...
 Sa décision fut bientôt prise. Il laissait tout tomber, la fac (il n'était évidemment pas question d'en changer en cours d'année), la chambre minable et le collègue qu'il n'aimait pas et la logeuse qu'il n'aimait pas davantage...
 Il fit part de cette décision à tout le monde, sauf, bien sûr, à ses parents...   
 
 
 
 
015 - grands changements et calme (presque) plat...

 A partir de mai 1958, les événements se précipitèrent... En quelques semaines la vie du pays fut profondément bouleversée. Mouvements populaires, combines politiciennes, agitation militaire, retour de de Gaulle, fin lamentable de la  IVème république, passage progressif à la Vème.
 Assez bizarrement, Jean-Marc fut plutôt passif pendant cette période. On lui promettait la fin de la guerre, le maintien de l'Algérie dans la république, on parlait de fraternisation... Sa passion de la politique n'avait été apparemment qu'un feu de paille...
 Il continuait sa joyeuse vie de fêtard. En plus, il était amoureux. Une des jeunes filles rencontrées à la surprise-partie réussit à l'accrocher sérieusement (bien plus tard elle deviendrait sa femme), il avait l'impression de vivre un rêve.
 Mais la réalité se rappela bientôt à lui : étant boursier, il devait aller passer les examens auxquels il était inscrit. Il s'y présenta, signa les registres de présence et rendit une feuille presque blanche à chaque épreuve. Il a l'impression de se souvenir encore du sujet de chimie organique :" la stéréoisomérie des composés du carbone ayant un seul C asymétrique ", il crut être devant un de ces poèmes surréalistes qu'il aimait tant à l'époque...
 En politique, il eut quelques contacts avec des gens de "Jeune Nation" et du mouvement "Occident", il fut admis à des réunions et des festivités au château de Pierre Poujade, à la limite des départements du Lot et de l'Aveyron. Il y trouva l'ambiance fort agréable (bien que plutôt belliqueuse),  mais il n'alla pas tellement plus loin vers "l'extrême-droite"...
 Jean-Marc fut déçu de ne pouvoir participer au référendum puisqu'il n'avait pas encore 21 ans.
 A la rentrée universitaire suivante il s'inscrivit à "Propé Lettres", le CELGM (Certificat d'Etudes Littéraires Générales Modernes - "moderne" car le peu de latin appris au séminaire était oublié). La jeune fille qu'il fréquentait décida de ne plus vivre aux crochets de ses parents, demanda et obtint un poste de Maîtresse d'Internat dans une ville située à 80 kilomètres de Toulouse. Jean-Marc voyagea donc beaucoup et... n'étudia guère plus que pendant l'année scolaire précédente.
Naturellement, nouvel échec aux examens...
 Aucune perspective politique sérieuse.  
 Jean-Marc avait bien parfois, quelques doutes sur ses capacités et quelques remords.
 No future ?
 Mais il était aussitôt  repris par le démon de l'insouciance.
 De l'inconscience... 
 
016 - Enfin plus sérieux...


 Au mois d'octobre 1959, Jean-Marc fut bien forcé de constater qu'il ne pouvait continuer ainsi : les "finances" étaient à sec... Après tant d'échecs, sa demande d'attribution de bourses avait été naturellement rejetée... Sa fiancée ne pouvait décemment pas continuer à l'entretenir dans sa douce existence "d'étudiant libre", son maigre salaire ne le permettait d'ailleurs pas. Elle devait faire de nombreux (et onéreux) voyages pour venir à la fac, car elle persévérait dans ses études et avait été reçue, elle, à propédeutique.
 Jean-Marc décida donc de demander lui aussi un poste de Maître d'Internat. Il obtint satisfaction et fut expédié dans un établissement proche de celui où exerçait la jeune fille. Il se mit enfin à reprendre le chemin des cours et se plongea dans la lecture des ouvrages indispensables.Tout évolua très vite,on lui accorda un report d'incorporation en tant qu'enseignant, il se sentit plus libre et, à la fin de l'année scolaire, obtint enfin son diplôme...
 L'année suivante, il fut muté dans un grand lycée toulousain comme Surveillant d'Externat (sa "fiancée" eut un poste équivalent dans la ville universitaire). Il y passa deux années scolaires.
 Il avait délaissé la politique  mais, petit à petit, au contact de ce monde de l'Education Nationale, ses idées se modifièrent et il eut l'impression de se rapprocher de "la gauche", ce qui ne l'amena pas à s'engager vraiment davantage mais lui permit de se sentir plus à l'aise avec ses "collègues" surveillants et professeurs.
 Il adhéra même à un syndicat.
 Le jeune homme fut choqué par les tergiversations, la roublardise de de Gaulle, les perspectives de négociations et d'accords reniant les plus fermes déclarations. Evian mit un terme à beaucoup d'illusions... Les rébellions, les actions désespérées n'y changèrent rien. Mais en définitive, une mauvaise "paix" mettait fin à une guerre mal engagée, trop soumise aux aléas de basse politique, aux influences internationales. L'armée, seule, n'avait en rien démérité, pensait-il... 
 Jean-Marc en était arrivé à ne plus trop se soucier de grand-chose, sauf de sa vie sentimentale et, dans une moindre mesure, de ses études... 
 
  



 017 -  Au boulot... 1ère partie


 Maître d'Internat (ou Surveillant d'Externat), ce n'est pas une profession, Jean-Marc en était bien conscient. Cela lui permit, toutefois d'avoir un salaire convenable et de poursuivre ses études. Il obtint ainsi sa première licence de Lettres et envisagea sérieusement la possibilité de devenir "Enseignant". Suivant les conseils d'un de ses collègues, qui avait fait la démarche l'année précédente, il se présenta au concours de Professeur de Collège d'Enseignement Technique et fut admis.
 Au mois d'octobre 1962 il quitta Toulouse pour une année de formation à Paris dans le cadre de l'Ecole Normale Nationale de l'Enseignement Professionnel (Précédemment ENNA : Ecole Normale Nationale d'Apprentissage, mais des gens  pensèrent certainement que le mot apprentissage était péjoratif, ou, peut-être  y eut-il la volonté d'éviter la confusion avec la grandissime ENA, la fabrique bien connu de technocrates...). Cette école, aux bâtiments particulièrement vétustes, était alors située rue de la Roquette, dans le XIème arrondissement, près de la place de la Bastille, du faubourg St Antoine et... de la rue de Lappe (et du "Bal à Jo"). Jean-Marc aima ce quartier populaire.
 Le jeune homme venait de se marier, il avait abandonné les chambres d'étudiants pour un appartement agréable dans une cité tranquille (heureux temps ! ), s'éloigner de Toulouse, même très provisoirement, de ce que représentait cette ville pour lui, fut assez pénible. Mais "l'aventure parisienne" était là...
 Il apprit son métier, il apprit à enseigner. Dès le début, il eut un bon contact avec les élèves, son expérience de surveillant lui fut d'un grand secours. Au milieu de ses camarades normaliens, pour la plupart comme lui déracinés, venant de toutes les régions de France (et d'Outre-mer), mais ayant des opinions très semblables, Jean-Marc repartit vers "la Gauche"... Il se laissa aller, adhéra à la CGT (ce syndicat existait, à côté de la FEN, dans ce corps car beaucoup de professeurs d'atelier venaient de l'industrie et étaient restés fidèles à la "vieille dame"). Il n'avait plus l'impression de jouer. Il croyait sincèrement faire oeuvre utile en participant, en agissant... Il étudia la "dialectique", la "philosophie matérialiste"  (ce dernier mot ne lui plaisait guère...), aidé en cela par un professeur de l'école normale, écrivain et membre éminent du PCF, avec lequel il se lia d'amitié. Il fréquent assidûment le TNP de Jean Vilar, applaudit Brecht et O'Casey... Au bout de quelques mois, il passait pour un bon marxiste, un militant convaincu. Militant de quoi ? Il reprit la carte de l'UEC, sans trop se préoccuper de savoir s'il avait encore le statut d'étudiant.
 A la fin de l'année scolaire il fut admis à la partie théorique du CAECET (Certificat d'Aptitude  à l'Enseignement dans les CET). La deuxième partie (pratique) serait le travail sur poste, "en responsabilité" dans un établissement, l'inspection finale et la titularisation.

 Mais il allait devoir s'exiler encore... 


018 -  Au boulot... 2ème partie

 L'exil vint en effet...
 Un exil tout relatif : Jean-Marc obtint  un poste dans le lycée d'une grande ville de Charente-Maritime. L'établissement, les élèves étaient sympathiques. La ville n'était pas désagréable. La proximité de l'océan, des belles plages de Royan et d'autres stations balnéaires aurait pu aider le jeune homme à se plaire en ce lieu, d'autant plus que sa femme vint l'y rejoindre...
 Mais...
 Mais ce n'était pas Toulouse...
 Mais les gens "parlaient pointu"...
 Mais il était difficile de se loger décemment...
 Mais très vite les Charentais lui parurent froids, peu communicatifs...
 Il n'éprouva  pour eux aucune attirance, et ils le lui rendirent bien... Jean-Marc se réfugia auprès des "véritables méridionaux" exilés comme lui.
 Il se lia d'amitié avec un prof de maths originaire du Lot qui s'occupait du syndicat de la FEN. Il quitta la CGT... Il rencontra des communistes et leur fit part de son "ancienne" appartenance à l'UEC. Ils essayèrent de le persuader de renouveler son adhésion, il promit, fit traîner les choses en longueur et s'en tint là... Il assista à de nombreuses réunions politiques, il manifesta à diverses occasions pour des causes plus ou moins intéressantes... pour des objectifs souvent très confus...
 Il fit très correctement le travail pour lequel il était payé. A la fin de l'année scolaire il fut admis définitivement au CAPCET et fut enfin certain que la titularisation allait suivre.
 Il aurait pu rester dans cette ville, garder ce poste. Sa femme n'aurait eu aucune difficulté pour demeurer sur place en tant que Maîtresse Auxiliaire (l'Académie de Poitiers étant, à l'époque quelque peu "déficitaire").

 Mais, d'un commun accord ils décidèrent de partir...   
019 - Premier entracte

  Jean-Marc fit part aux "autorités" de son désir de mettre fin à son sursis d'incorporation (en réalité, "report d'incorporation en tant qu'enseignant") et d'accomplir son service militaire.
  En septembre 1964 il fut "appelé sous les drapeaux" et rejoignit le 65ème Régiment d'Infanterie de Marine à la caserne Lapérouse, à Albi... pour peu de temps... En effet, les effectifs étaient pléthoriques car il fallait héberger les régiments venant d'Algérie. Des tentes étaient dressées dans les cours des casernes... Les enseignants âgés ne rencontrèrent guère de difficultés pour se faire réformer. Jean-Marc, un peu honteux, en profita. Il avait 26 ans, de très sérieux problèmes d'audition, un métier et une famille. Avant de quitter le régiment, il vit avec plaisir les jeunes mineurs de fond de Carmaux (appelés à l'âge "normal" de 19 ans) s'en donner à coeur joie et ne rechigner aucunement devant les exercices les plus durs... Un certain regret, il eut un moment l'impression d'avoir gaspillé une partie de sa jeunesse...
 Au bout d'un mois et demi donc, "libéré des obligations militaires", il regagna Toulouse où sa femme avait eu un  poste de Surveillante d'Externat.
 Jean-Marc n'avait pas du tout envie de revenir en Charente-Maritime, comme il aurait dû le faire normalement... Après un congé de maladie, il demanda et obtint une mise en disponibilité sans solde. Il décida de préparer une deuxième licence de Lettres (d'Histoire-Géographie très exactement) et un diplôme de "Techniques Documentaires".
 Il reprit quelques activités politiques à l'UEC (surtout présence, plutôt passive,  à des réunions),  milita (assez peu) à l'UNEF,  mais il avait gagné sa place dans la mouvance d'une certaine gauche,  bien qu'en général on le jugeât peu fiable (il l'apprit bien plus tard...)
 Son année scolaire se termina par un succès. Mais... il fallait reprendre le travail. Sa mise en disponibilité lui avait perdre son poste précédent (il ne le regrettait guère). Il remplit les formulaires, contacta son ancien syndicat et demanda, bien sûr, à exercer près de Toulouse. Il n'obtint pas entière satisfaction, il fut nommé à L., à 140 km de la ville universitaire...
 C'était tout de même l'Académie de Toulouse, le département de la Haute-Garonne.
 Une nouvelle étape...
 
020 - travail et insouciance

Les deux années scolaires que Jean-Marc passa à L. furent parmi les plus intéressantes de sa carrière...
Bien sûr, il y avait les longs trajets en train (un train particulièrement lent) pour rejoindre sa femme à Toulouse, le week-end.
Bien sûr, il y avait l'obligation de rester "bloqué" la majeure partie de la semaine dans une petite ville.
Bien sûr, les élèves étaient "durs", originaires de toutes les régions de France (et internes évidemment). Ils vont apprendre un métier difficile, pénible, dangereux. Ils seront bûcherons, affûteurs-scieurs, affûteurs-mécaniciens... Ils sont en général issus d'un milieu aisé. Leurs parents sont patrons, artisans, industriels, gestionnaires de zones boisées, transporteurs...
Mais les montagnards sont accueillants. La petite ville est animée. Les élèves sont sympathiques. Jean-Marc prend d'ailleurs la plupart de ses repas en leur compagnie, avec d'autres profs, comme lui venus d'ailleurs...
Mais il y a la proximité de l'Espagne franquiste et son calme suspect, ses pauvres villages aux rues désertes, aux maisons misérables et émouvantes, calle de la piedad, calle de la procesion, avenida José-Antonio... ses commerçants avides mais reconnaissants, l'alcool et le tabac très bon marché...
Mais il y des paysages magnifiques...
Jean-Marc ne se lia guère avec les professeurs du cru. La plupart étaient syndiqués à la CGT, ils savaient que le jeune homme avait quitté cette organisation et ils se révélaient fort sectaires... Par contre il eut des relations très amicales avec le Conseiller d'Education et le professeur de sport. La politique ne le péoccupa pas beaucoup pendant cette heureuse période. Il avait énormément de travail de préparation, de correction surtout. Il fut rapidement titularisé et l'expérience  acquise alors lui fut précieuse tout au  long de sa vie professionnelle.
A la fin de la deuxièmme année scolaire, sa femme devint Adjointe d'Enseignement et fut titularisée elle aussi. Elle sollicita un poste dans la même ville mais ne put l'obtenir : le collège de L. venait à peine d'être créé et il fallait intégrer les instituteurs devenus Professeurs d'Enseignement Général de Collège.
Le coeur gros, Jean-Marc dut envisager un nouveau départ...
 
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021 - révolution 68...

 Jean-Marc et sa femme furent nommés dans le Gers... pas très loin de Toulouse mais pour eux, ils en avaient la certitude, ce n'était pas la fin du voyage...
  Leur nouvelle affectation ne leur procura guère de satisfactions. Une vie trop calme dans des villes sans grand intérêt. Très vite il décidèrent que cette étape serait brève. Heureusement l'année scolaire 1967-68 se termina en mai... Mai 68 ! Quel régal !
  Jean-Marc contribua fortement  à provoquer la grève générale dans son établissement. Dans les périodes troublées, on écoute les "grandes gueules", ceux qui paraissent sûrs d'eux-mêmes... Jean-Marc n'était vraiment ni l'un ni l'autre mais il en donna l'impression... Après ce geste glorieux, on décampe comme des lapins. Le couple quitte le lieu où l'action aurait été la plus fertile pour aller s'amuser ailleurs, à la ville universitaire pour participer au grand combat des "étudiants unis aux ouvriers".  Prolétaires de tous les pays... etc, etc.
  L'occasion rêvée de faire la révolution, ça ne se rencontre pas deux fois dans une vie... A d'autres les tâches subalternes.
 Ils se donnèrent à fond dans toutes les actions même les plus stupides  : manifs, provocations, blocus des amphis, rencontre  avec les salariés dans les entreprises occupées, bagarres, barricades bricolées, la foire, la fête débridée, la "chienlit"...
  Une anecdote amusante : au cours d'une véritable bataille rangée contre les étudiants en droit, les gauchistes (dans les coulisses on commençait à peine à prononcer ce mot) s'emparent d'un drapeau tricolore, certains exaltés proposent de le brûler, des voix émues s'élèvent de partout "non, on est français nous aussi...", "plaçons-le entre le drapeau rouge et le drapeau noir...".
  "Ce que ça peut être con, la révolution" (réflexion peut-être anachronique mais Jean-Marc, au fond de lui-même en eut parfois la révélation, révélation aussitôt enfouie... comme particulièrement honteuse )
  La fête... jusqu'à la fin du mois. Jusqu'au jour où... De Gaulle tapant dans ses mains  proclame "la récréation est finie". Ce fameux discours qui laisse tout le monde pétrifié, ce discours encadré dans l'émission radiophonique par un vibrant "Lucky Luke" chanté par Marcel Amont et une non moins vibrante Marseillaise...
  Les élections, la déroute de la gauche. L'abattement après la crise. L'année scolaire bâclée, les examens sabotés, les dipômes généreusement distribués, bradés.
  A la rentrée scolaire suivante, Jean-Marc, encore déboussolé, demande et obtient une autre mise en disponiblité pour terminer sa deuxième licence. Cette nouvelle année fut relativement militante pour lui : bénévolat dans les oeuvres sociales plus ou moins contrôlées par le PC, au Secours Populaire,  actions d'apprentissage de la lecture en faveur des travailleurs immigrés (surtout Portugais à l'époque, quelques rares Turcs). Jean-Marc et sa femme avaient rencontré un couple  de voisins fort sympathiques, communistes et cégétistes convaincus, très amicaux mais qui considéraient,  avec un certain mépris, les sympathisants comme des plaisantins, utiles certes mais peu fiables. L'opinion des militants n'est guère plus flatteuse pour les intellos plus ou moins proches du parti, les fameux "compagnons de route", bavards irresponsables...
 Jean-Marc eut  confirmation de l'intérieur de la réalité profonde de cette façon de penser...  De l'intérieur en effet, puisqu'à la fin de l'année 1969, poussé par l'amitié et un certain désarroi il adhéra au Parti Communiste Français... bientôt d'ailleurs rejoint par sa femme.
 Un geste décisif...
 Enfin du solide ?
 
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022 - retour sur révolution 68

 L'adhésion de JM au PC fut en effet motivée essentiellement par l'idée que tout ce qui avait été dit et fait pendant les "événements"  était parfaitement vain. Il fallait en quelque sorte se racheter. En septembre 68, le spectacle tristement lamentable  de trois des principaux "dirigeants" du mouvement venus à la Halle-aux-Grains de Toulouse pour essayer de remonter le moral des troupes déconfites acheva la débâcle. Ces naguère demi-dieux qui avaient noms Cohn-Bendit, Geissmar et Sauvageot apparurent à un public désabusé comme des pantins désarticulés, des clowns essoufflés. Ils n'avaient plus rien à dire, il ne leur restait plus qu'à profiter de leur notoriété pour faire carrière... jusqu'aux officines ministérielles (au moins pour les deux  premiers). Les "enragés" du mai glorieux avaient devant eux des poussahs ridicules, des "pieds nickelés" déculottés. Ce n'était plus les mousquetaires de la révolution mais Croquignol, Ribouldingue et Filochard en pantoufles...
 Le PC avait été la cible favorite des quolibets gauchistes. Après coup il semblait le seul encore capable d'agir vraiment...

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023A l'intérieur...

 Après une année scolaire de transition au cours de laquelle Jean-Marc exerça dans le Tarn-et-Garonne et sa femme toujours à Toulouse, ils obtinrent enfin deux postes dans la même ville... Un  département du sud. Ils achetèrent une vieille ferme à 25 kilométres du lieu de travail. Jean-Marc se vit confier un sujet de Maîtrise d'Histoire de l'Art : "L'éléphant et le rhinocéros dans l'art rupestre de l'Afrique du Nord-Est". Des documents surtout en anglais et italien...
  Le repos, un  repos tout relatif, après l'agitation de la ville... et des dernières années...
  Ils allaient  passer plus de vingt ans en ce lieu. 
 Le syndicalisme, la politique, le métier, plus tard l'informatique, la vie familiale, les enfants, les amis, les trajets quotidiens, l'entretien de la maison et des terres (aucun ordre préférentiel là-dedans) tout cela donnait l'impression d'une vie particulièrement active.
 Jean-Marc, entré au PC presque par hasard, ou par erreur, y resta huit ans...  Il milita quelque peu mais ne se sentit jamais vraiment à sa place. L'habitude, la crainte de fâcher certains "copains" sympathiques firent que pendant longtemps il se coula dans le moule.
 Mais  les occasions de désaccord furent de plus en plus nombreuses. Les prises de position officielles du parti étaient désavouées en privé et même au cours de réunions de cellule : l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie (celle, antérieure, en Hongrie était largement justifiée) satisfaisait en réalité la masse considérable de staliniens mal (ou pas du tout) repentis, l'union avec les socialistes  était la règle mais pour la plupart, ce n'était qu'un façade, un leurre, comme d'ailleurs la main tendue aux chrétiens dits progressistes... En réalité règnait un véritable mépris à l'encontre de tous ceux qui n'étaient pas inscrits dans les registres de la place du Colonel Fabien, de ceux qui ne payaient pas de cotisation..., une haine feutrée mais sans limite contre  les "gauchistes" de toute obédience... Le  double langage permanent.
 Tromperie également les protestations gênées contre la chasse aux dissidents dans les pays de l'est. Les gesticulations d'un Georges Marchais,  les accusations relatives à son comportement pendant l'occupation provoquèrent chez Jean-Marc une véritable répulsion.
 Le jeune homme, un peu moins jeune, un peu plus homme, eut l'occasion de se frotter au "centralisme démocratique" le pivot du fonctionnement du PC. Pressenti (il fallait bien faire parfois bonne figure aux "intellectuels", faute de mieux, on se contentait d'enseignants) pour participer au comité (?) fédéral (autrement dit départemental), il se dit qu'il pouvait jouer le jeu, voir de plus près... Le jour de la réunion qui devait décider des candidatures et ensuite procéder aux élections, Jean-Marc découvrit une demi-heure avant la fin de la séance les listes toute prêtes sur lesquelles son nom ne figurait pas... On lui expliqua qu'il n'avait pas vraiment donné son accord que ce serait pour une prochaine fois. Il avait compris qu'on s'était en quelque sorte amusé à ses dépens, qu'on lui faisait payer son apparent dilettantisme... Et qu'en ce qui concerne la démocratie, le PC pouvait revoir la copie...

  Il n'y eut pas de prochaine fois. Jean-Marc avait déjà l'esprit ailleurs.

024 -  Rupture...

  L'accumulation de petits faits, ses réactions instinctivement négatives devant certaines directives du parti conduisirent Jean-Marc à se poser de plus en plus de questions, à oser des réflexions qu'il s'interdisait jusqu'alors. Il entreprit un véritable examen de conscience. Depuis quelque temps sa femme ne militait plus.
  Une anecdote, assez banale et amusante au départ, l'amena très loin... Il y avait dans l'établissement où il  travaillait deux instituteurs, s'occupant de sections préparatoires à l'apprentissage, fort sympathiques au demeurant, un peu hippies, écologistes avant la lettre, "occitanistes" libertaires qui avaient fondé un petit journal, plus ou moins mensuel au titre provocateur de "Macarel", rien d'écossais là-dedans, il s'agit d'un "juron" en langue d'oc qui veut exprimer la surprise, l'ébahissement, en même temps que beaucoup d'autres choses... Il y eut un vague attentat, léger plasticage d'un bâtiment public, au chef-lieu du département... Manque de chance, dans leur dernière parution nos "révolutionnaires" avaient écrit un article intitulé de façon vengeresse : " Farem tout péta, macarel ! ", nous ferons tout sauter, macarel... Le surlendemain, un des deux amis (la responsable du journal) ne se présenta pas au lycée... Porté disparu pendant trois ou quatre jours jours. Gros émoi dans le Landerneau de gauche et de l'enseignement naturellement réunis... Le disparu reparut et expliqua qu'il avait été emmené par la DST (?) rien que ça... en garde à vue au commissariat central de Toulouse.  Menotté, attaché à un radiateur, secoué, inculpé... (l'enquête  révéla bien vite qu'il n'était pour rien dans l'affaire). Tout le petit monde facilement scandalisé par le comportement prétendument fasciste des policiers se mobilisa, manifesta, et créa un "Comité de Défense des Libertés" ! Jean-Marc, ému un moment par les réminiscences soixante-huitardes fut un des meneurs... CFDT, PS, LCR, PSU, Radicaux-de-Gauche... La CGT et le PC se tinrent à l'écart et Jean-Marc se retrouva convoqué à la "fédération", siège du dit parti, pour ce qu'il décrivit comme "un mini-procès de Prague". On a les procès et les martyrs qu'on peut... On a les exagérations faciles dans notre Midi... Il fut vertement tancé, on lui reprocha de faire le jeu des socialistes, à une époque où la ligne officielle était "l'Union de la Gauche" à tout prix... C'était  marrant , du Clochemerle politique !
  Jean-Marc en garda un souvenir cuisant. Ce fut tout de même le point de départ d'un processus irréversible. S'intéressant à l'histoire  locale, il eut connaissance de la part prise par le PC du cru dans l'épuration. Et surtout du rôle de juge et bourreau qui fut celui d'un ancien parlementaire, apparemment fort bonhomme et avenant,  ayant acquis une réputation de grand fusilleur dans les carrières alentour...
  Quand Jean-Marc avait adhéré au parti, il l'avait fait, enthousiasmé par le personnage, (sa rondeur, sa gentillesse) et les prouesses électorales de Jacques Duclos (qui aimait fort les chats... ). A sa grande stupeur il devait apprendre plus tard que c'était en réalité un fidèle du KGB, l'oeil de Moscou... Jean-Marc avait déjà eu connaissance des contacts établis par  Duclos avec les autorités d'occupation et Otto Abetz dans le but de faire reparaître "l''Humanité" au nom  du pacte germano-soviétique mais l'échec de ces contacts avaient occulté pour lui la honte de la tentative. C'en était fini de l'aveuglement volontaire.
  Vint enfin l'année 1978 et la perspective de la victoire de la gauche aux législatives, espoir porté par le "Programme Commun de Gouvernement". Mais les négociations en vue de l'établir furent l'occasion d'une véritable mascarade qui ne trompa personne. Jean-Marc se souvient encore de cette empoignade devant les caméras de télé entre Marchais et le radical de gauche Robert Fabre, chacun voulant s'emparer du micro pour expliquer, avant l'autre, les raisons de l'échec (provisoire mais déterminant ) des discussions... Les électeurs ne se laissèrent point duper par les rabibochages ultérieurs et la gauche fut battue.
  Jean-Marc allait-il se contenter de dire, une fois de plus "les Français n'ont rien compris, les Français sont des cons..." ?
  A la rentrée suivante, la (petite) mort dans l'âme, il ne reprit pas sa carte.
 
025 - en attendant...
 Automne 1978 - printemps 1981, de longs mois de réflexions, d'hésitations, de repliement sur soi, d'exaltation, l'impression d'avoir découvert une nouvelle voie de passage mais sans trop savoir vers quoi, la déprime avant la dépression... Pour Jean-Marc ce fut une période difficile, d'autant plus que ses anciens "copains", récemment abandonnés le relançaient continuellement, pratiquant une sorte de harcèlement qui, en définitive ne paya pas puisqu'il maintint sa position, une position intenable en réalité, il fallait choisir et surtout le faire savoir...
 "Comment ai-je été assez stupide pour en arriver là ?". Il occultait les bons moments, les élans sincères pour se lamenter... Mais il était tout de même assez lucide pour retrouver les erreurs et essayer de comprendre. On ne refait pas l'Histoire, Jean-Marc voulait simplement sortir d'une trajectoire qui ne le menait nulle part. Il était entré au PC comme on entre en religion par dépit, par amitié aussi mais sans avoir vraiment la vocation. Il se jeta dans l'étude des textes les plus opposés à la doctrine marxiste, lut les journaux "de droite", retrouva les réflexes de son enfance et de son adolescence, réexamina les événements passés avec la ferme volonté de les interpréter diféremment... se remit en cause totalement. Un grand nettoyage et personne pour l'aider. Sa vie familiale et sa vie professionnelle subirent les conséquences de ce déséquilibre mais il n'y eut tout de même ni rupture ni abandon.
 La fin sans gloire de l'époque giscardienne, la perspective des présidentielles de 1981 l'amenèrent à s'intéresser de très près au programme des différents candidats. Il lui sembla alors que le seul à proposer une vision nouvelle de la politique, à sortir des sentiers battus, à raisonner à partir de données concrètes et non pas en fonction d'une idéologie inadaptée était le fondateur d'un nouveau rassemblement aux accents gaulliens (que Jean-Marc apparentait complaisamment à la fougue  poujadiste), Jacques Chirac. Il en discuta avec quelques enseignants plus ou moins classés "à droite", un texte fut rédigé et publié dans la presse locale et départementale, texte appelant à voter en faveur de ce candidat.
 Scandale, bien, sûr...
 Jean-Marc avait franchi le pas.
 Fin des atermoiements, place à l'action...






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